Des pistes pour que la politique de la ville ne soit plus imposée d’en haut

Article paru dans l’édition du Monde du 09.07.13
lemondeUNE « RÉFORME radicale de la politique de la ville » : le rapport que la sociologue Marie-Hélène Bacqué et le responsable de l’association AC Le Feu, Mohamed Mechmache, remettent, lundi 8 juillet, à François Lamy, ministre de la ville, n’y va pas par quatre chemins. Il s’agit de dire que les actions en direction des quartiers populaires ne peuvent plus se faire sans leurs habitants. Leurs 30 propositions dessinent une véritable réorientation de l’action publique dans les zones urbaines sensibles.
Les deux auteurs placent l’enjeu de la réforme nécessaire dans un contexte d’urgence. Ils ont rencontré quelque 300 acteurs associatifs et collectifs d’habitants et ont organisé, les 29 et 30 juin, une Conférence citoyenne à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Le constat fut unanime : une « absence flagrante d’espaces de débat et d’échanges », la « solitude » des responsables associatifs confrontés à des difficultés financières grandissantes et une immense attente des citoyens vis-à-vis des institutions. Ils y ont redit le sentiment d’abandon ressenti, les discriminations qui rongent les ambitions, l’image négative des quartiers, et un écart croissant entre le monde politique et les quartiers populaires.

Les différentes démarches de démocratie participative mises en place depuis vingt ans, tant dans les opérations de rénovation urbaines, les conseils de quartier ou les procédures de débat public, ont vécu. Le sentiment des habitants d’être mis devant le fait accompli pour toutes les politiques qui les touchent grandit, remarquent les deux rapporteurs. Pourtant, les exemples où les habitants démontrent leur connaissance du quartier et leur capacité à trouver des solutions aux problèmes ne manquent pas, insistent-ils. « Il y a urgence à remettre les citoyens au coeur de la vie de la cité et à transformer la politique de la ville vers une politique d’égalité des territoires codécidée avec les citoyens », écrivent Mme Bacqué et M. Mechmache.

Leur credo est qu’il faut lancer une démarche d’« empowerment à la française » qui se traduise par l’octroi d’un pouvoir d’interpellation et d’action des citoyens à l’égard des pouvoirs publics. Le renversement qu’ils proposent de la politique de la ville est plein d’ingéniosité. En premier lieu, ils préconisent la création d’une autorité administrative indépendante chargée de gérer un « fonds pour l’interpellation citoyenne », qui serait financé par un prélèvement sur le financement aux partis politiques (1 %) et la réserve parlementaire (10 %).

« Tables de concertation »

Localement, des « tables de concertation » rassembleraient les associations et collectifs de quartiers. Une plate-forme associative serait mise en place pour permettre l’échange et la diffusion des expériences innovantes. Une fondation devrait être lancée pour sortir les associations de leur dépendance financière vis-à-vis des collectivités locales et de l’Etat et favoriser leur développement.

Enfin, les deux auteurs préconisent de profiter de la négociation des futurs contrats de ville pour engager des démarches de « co-construction » avec la population : les groupes de pilotage comme les instances de décision devront comprendre « au moins 50 % » d’habitants des quartiers. La même démarche est proposée pour toutes les instances de la politique de la ville : conseils d’administration de l’ACSÉ, ANRU et conseil national des villes.